Mai 1897

1er Mai 1897 - Revue des troupes internationales à La Canée
N° 56
Séance du 4 Mai 1897
Dans une réunion précédente l'Amiral Canevaro a fait savoir que le Gouvernement hellénique s'était adressé au sien pour obtenir que le navire « Laurium » saisi le 20 Février, soit rendu à ses armateurs ; les Amiraux maintiennent leur décision du 23 Avril de conserver ce navire.
De son côté, le capitaine du navire « Thésée » sollicite des Amiraux l'autorisation de rentrer en Grèce ; il lui est répondu négativement.
Les Amiraux italien, austro-hongrois et anglais rendent compte à leurs collègues du voyage qu’ils viennent de faire à Candie et pendant lequel ils ont essayé de faire comprendre aux insurgés les avantages de l'autonomie qui leur est offerte. Partout on leur a répondu : La mort ou l’annexion et il ne reste, selon eux, aucun espoir de voir changer d’avis les Crétois, tant que le Colonel Vassos et les troupes grecques seront en Crète.
Les Musulmans des villes occupées se sont montrés fort mécontents de l'autorisation qui a été donnée aux Crétois de se ravitailler par les villes placées sous la protection des Amiraux. Ismaïl, de son côté, a écrit à l'Amiral Canevaro que ce ravitaillement amènerait un contact dangereux et, surtout, qu'il aura l'inconvénient de permettre à l'armée grecque de se procurer des vivres sous le couvert des Crétois.
Ces observations n’ont point échappé aux Amiraux lorsqu'ils ont décidé de faire un blocus moins sévère, mais les Gouvernements veulent montrer qu'ils n'ont pas l'intention de faire mourir de faim les Crétois et il n'a été trouvé aucun moyen pour distinguer les vivres destinés aux gens pacifiques d’avec ceux qui pourraient passer aux belligérants.
C'est dans ce sens qu'il sera répondu à Ismaïl, auquel on confirmera d’ailleurs, que le blocus reste sévère pour les armes, munitions et matériel de guerre.
Au sujet du ravitaillement des Crétois, l'Amiral Canevaro fait remarquer que pendant le voyage des Amiraux à Candie, les insurgés ont déclaré qu'ils n'ont pas un besoin urgent d’approvisionnement, mais qu'ils accepteraient l'offre généreuse qui leur est faite si on leur donne la faculté de se ravitailler par un point de la côte qui leur serait réservé.
Cette proposition sera étudiée par les Amiraux.
Le Gouverneur Ismaïl se plaint que les Amiraux ayant autorisé, exceptionnellement, quelques navires à prendre un chargement en dehors des villes protégées, les insurgés en ont profité pour se faire payer la dîme dûe en bonne règle au Gouvernement ottoman. Il voudrait que les navires des Puissances protègent ces embarquements par leur présence et perçoivent la dîme pour les Turcs.
Il est impossible de faire déplacer des navires dans ce but spécial ; ceux qui se trouveront à portée ne manqueront pas de se rendre au désir du Gouverneur, mais, à moins de supprimer complètement tout commerce, solution qui serait aussi préjudiciable à l’île qu'aux différentes Puissances, il ne semble pas possible d'éviter l'inconvénient signalé.
Le Colonel Chermside, ayant fait savoir à l'Amiral Harris que deux compagnies turques de renfort lui seraient nécessaires pour la défense de Candie, propose que le bataillon dont une moitié est à Candie et l'autre à La Canée, soit tout entier rassemblé à Candie. Les Amiraux n'y voient aucun inconvénient et on va écrire au commandant Amoretti de faire cette demande à Ismaïl.
À bord du « Sicilia », à La Sude, le 4 Mai 1897
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 57
Séance du 6 Mai 1897
L'Amiral austro-hongrois a reçu du vapeur grec « Hera » saisi en forçant le blocus, une demande analogue à celles qu’ont formulées les autres navires saisis, pour être relâchés ; il lui sera fait la même réponse négative.
À la suite de la séance du 16 Avril, l'Amiral anglais a fait escorter à Candie, les navires saisis et chargés de vivres, pour leur permettre de les livrer au Gouverneur turc, contre promesse de remboursement aux propriétaires ; mais les capitaines, soit par manque de confiance dans le remboursement, soit par répugnance à faire profiter les Musulmans d’approvisionnements destinés aux Crétois, n’en ont cédé qu’une très petite quantité et on n’a pas voulu les y obliger ; aujourd’hui, que la sévérité du blocus est moins grande, ils sont autorisés, comme conséquence de la délibération du 26 Avril, à vendre ces vivres aux insurgés de l’Akrotiri qui, depuis plus d’un mois, n’ont créé aucune difficulté aux Amiraux, mais non à ceux de l’Apokorona, qui tirent tous les jours quelques coups de fusil sur les navires de la flotte internationale et auxquels on fera savoir pourquoi on est moins indulgent à leur égard.
Les Amiraux ont appris que le Gouvernement grec aurait rappelé le Colonel Vassos et quelques-uns de ses officiers. Dans le cas, même, où cette nouvelle serait exacte, les Amiraux sont d'avis que rien ne serait changé pour cela à la situation en Crète, tant que les troupes régulières grecques seront dans l’île. Le nom du Commandant en chef n'est pas le point important de la question.
L'Amiral anglais a reçu une dépêche, dans laquelle son Gouvernement exprime le désir que tout individu qui voudra quitter l'île y soit autorisé, sans qu’on s’inquiète des raisons pour lesquelles il s’éloigne ; il n'y aurait exception que pour les gens organisés en bande qui voudraient laisser la Crète pour aller combattre sur un des territoires grecs ou turcs.
Les Amiraux approuvent cette mesure, qu'ils ont déjà appliquée à des individus isolés et qu’ils estiment avantageuse à la pacification de l’île.
À bord de « l'Amiral Charner », à La Sude, le 6 Mai 1897
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 58
Séance du 8 Mai 1897
Une barque portant 30 individus armés, se rendant de Crète en Grèce, a été rencontrée, en détresse, par un torpilleur anglais qui l'a ramenée à La Canée.
Le personnel a été mis à terre à la caserne italienne et les armes sont restées à bord du torpilleur.
Les 30 passagers de cette barque se composaient de 7 volontaires italiens et de 23 Grecs.
Les premiers sont autorisés à rentrer en Italie avec leurs armes ; les Grecs, se rendant au Pirée, ne pourront y rentrer que désarmés. Leurs armes resteront déposées près du Commandant militaire de La Canée.
À bord du « Sicilia », La Sude, 8 Mai 1897
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 59
Séance du 11 Mai 1897
Tous les Amiraux ont été informés par leurs Gouvernements que l'intention de la Grèce est de retirer ses troupes de la Crète ; que le Colonel Vassos est déjà parti, et que l'ordre est donné de faire rentrer au Pirée 30 officiers et 400 soldats, comme commencement d’exécution.
Les Gouvernements des Puissances, désirant, d'ailleurs, favoriser le départ des troupes grecques, les Amiraux décident d'envoyer à Platanias, sous la surveillance de quelques bâtiments de guerre, les trois vapeurs « Laurium », « Hera » et « Thésée » qui pourront rentrer en Grèce avec les premières troupes rapatriées. L'Amiral italien se charge d'informer les chefs des troupes grecques et les autorités ottomanes.
De plus, la dépêche identique suivante sera adressée par chaque Amiral à son Gouvernement, ainsi qu’à ses représentants à Athènes et à Constantinople :
Les Amiraux, d’accord, mettent dès à présent à la disposition du Gouvernement grec pour rapatrier ses troupes, les navires saisis pendant le blocus. Ils donneront toute facilité et même leurs concours pour l'embarquement si on le leur demande.
Mais ils croient indispensable que les Gouvernements insistent auprès du Gouvernement hellénique pour que les troupes ne laissent après elles dans l'île aucun matériel de guerre et pour que les navires de guerre qui viendront prendre les troupes, séjournent en Crète le moins longtemps possible.
Les Amiraux, enfin, décident que les petits bâtiments arrêtés forçant le blocus seront remis en liberté en même temps que les trois vapeurs pour les faire bénéficier de la même mesure bienveillante.
À bord du « Alexandre II », La Sude, le 11 Mai 1897
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 60
Absente des ArchivesN° 61
Séance du 14 Mai 1897
L'Amiral Canevaro a reçu une demande des insurgés de l’Akrotiri d'aller communiquer avec leurs coreligionnaires de Platanias. Les Amiraux décident qu’une semblable permission ne devra être accordée qu'après le départ des troupes grecques.
Les Amiraux sont informés officiellement par un rapport du Commandant du « Hawke » :

Le Hawke
1° Que le steamer « Hera » a embarqué à Platanias 445 hommes se décomposant comme suit :
Infanterie 120, Génie 250, Volontaires grecs 75.
2° Que l'aviso « Paralos » a embarqué 74 soldats du génie, et est allé en prendre d'autres à Atki sous l’escorte de l’aviso russe « Grosiastchy ».
3° Et que, enfin, le « Laurium », escorté par le croiseur austro-hongrois « Tiger » est allé prendre à Sphakia, les munitions des troupes grecques.
Les troupes embarquées sur « l’Hera » sont sous le commandement du Commandant Zavellos et comprennent 33 officiers.
Les Amiraux, prévoyant les difficultés qui vont se présenter par suite de la non désignation d'un Gouverneur, estiment qu'il y a lieu de rappeler à leurs Gouvernements la dépêche identique expédiée par eux le 28 Mars et conviennent d’en envoyer une nouvelle, ainsi conçue :
Amiraux estiment indispensable que le Gouverneur choisi par les Puissances arrive le plus tôt possible après le départ des troupes grecques.
Ils rappellent propositions contenues dans procès-verbal de la séance du 21 Mars. Ils demandent à être autorisés à lever blocus une fois troupes parties, quand ils jugeront opportun.
À bord du « Trinacria », La Sude, 14 Mai 1897
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 62
Séance du 19 Mai 1897
1° Les Amiraux, en prévision du retour de nombreux Crétois, actuellement réfugiés en Grèce, et dont les maisons ont été détruites ou sont occupées, croient utile de faire savoir à Athènes que les rentrées devront être échelonnées, et, surtout, que chacun devra faire prévenir de ses intentions les autorités de l’île, avant de rallier.
Chaque Amiral, pour arriver à ce résultat, avisera son Ministre à Athènes de la nécessité de cet avertissement aux Crétois réfugiés en Grèce.
2° Les Amiraux conviennent qu'il y a lieu d'envoyer à leurs Gouvernements la dépêche identique suivante :
Les Amiraux sont d'avis que le départ des troupes grecques doit être l’occasion d'adresser une nouvelle proclamation aux Crétois, mais ils estiment cette proclamation inutile s'ils ne peuvent, comme jusqu'à présent, parler d'autonomie que d'une manière vague ; ils auraient besoin d'en connaître les principales dispositions, particulièrement celles qui ont rapport au retrait des troupes turques.
D'après des renseignements certains, ils sont absolument persuadés que tant que le départ des troupes turques ne sera pas officiellement annoncé et n'aura pas reçu un commencement d'exécution, les Chrétiens ne voudront rien entendre et ne déposeront pas les armes.
D'autre part les succès de l'armée ottomane ont bien modifié l’état d’esprit des Musulmans de Crète qui protesteront sûrement contre le départ des soldats turcs.
Une solution prompte est indispensable ; les plus graves complications locales sont à redouter.
Il se peut que les détachements de troupes européennes soient insuffisants ; mais on ne le jugera bien que d'après l'attitude des populations chrétiennes et musulmanes, lorsque le départ des troupes aura commencé.
3° Les Amiraux ont appris qu'on s’était étonné, à Athènes, qu'après avoir mis les navires capturés à la disposition des troupes grecques pour rentrer dans leur pays, ils aient empêché l'un d'eux, le « Laurium », d'accomplir sa mission en le faisant rentrer à Platanias.
La vérité est que ce navire, après avoir reçu du charbon d’un navire anglais, le « Hawke », a voulu s'enfuir en Grèce sans rien emporter et que le croiseur austro-hongrois « Tiger » et un torpilleur anglais l'ont ramené de force pour l'obliger à rendre ce service à son pays.

Le Tiger
4° Dans la journée du 17 Mai, un officier anglais qui se promenait sur la route d’Izzedin à La Sude, a été attaqué et dévalisé par des insurgés en armes, qui l’ont dépouillé de sa montre et de son revolver.
Le lendemain 18, sur la même route, quatre officiers du « Royal-Oak » ont été attaqués par des insurgés qui leur ont tiré dessus et ils ont pu être délivrés et ramenés à Izzedin par les avant-postes turcs dont ils ont pu attirer l’attention en tirant quelques coups de leurs revolvers.
Ces attaques sont inadmissibles.
Les Amiraux enverront aujourd’hui même à Khalivia une délégation de 5 officiers des 5 nations pour informer les chefs insurgés : qu’à l’avenir tout individu qui paraîtra en armes sur le versant Nord des collines qui dominent la route de La Sude s'exposera au tir des Turcs, des Européens et même des navires.
5° Le colonel Chermside a reçu des insurgés qui cernent Candie une note dans laquelle ces derniers prétendent que la zone neutre qui les sépare des Turcs n'est pas respectée et qu’ils ne se considèrent plus comme engagés par leurs promesses passées.
Or, les Turcs ont grand intérêt et même extrême besoin à s’élargir jusqu’aux sources d'eau qui alimentent Candie que les insurgés détruisent à chaque moment et puisque les insurgés déclarent qu’ils n’observeront plus la neutralité de la zone, on va autoriser les Turcs, si on les attaque, et s’ils se sentent en force, à s'étendre jusqu'à mettre ces sources en arrière de leurs avant-postes. Les troupes internationales ne prendront aucune part à ce mouvement et se borneront à protéger la retraite des Turcs, dans le cas où ces derniers seraient repoussés en dedans de leurs positions actuelles.
Il est impossible de laisser la population de Candie, actuellement de 50.000 personnes, se resserrer davantage et manquer d’eau.
À bord du « Trinacria », à La Sude, 19 Mai 1897
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
Candie Mai 1897 - Les Anglais observent les insurgés et les bachi-bouzouks
Télégramme reçu du colonel Chermside de Candie
18 Mai 1897 10 heures du soir
J'ai reçu une protestation péremptoire, datée du 10 Mai, adressée par les insurgés au doyen des Amiraux, à moi-même et au corps consulaire, se plaignant de la violation du cordon militaire par les Musulmans, demandant le désarmement des Musulmans, et menaçant de repousser ces derniers à l’intérieur de Candie si on ne leur donne pas l'assurance qu'on empêchera de nouvelles violations.
Les auteurs de la protestation repoussent l’autonomie.
Ils suggèrent, sans le dire formellement, que le cordon établi n'ayant pas donné satisfaction aux deux partis, ils ont laissé liberté d'action à leurs hommes.
Cela permettrait aux autorités turques, si elles trouvent leurs forces suffisantes, de les faire avancer jusqu'aux sources d'eau sans paraître manquer à la foi promise. J'attends réponse.
Protestation des insurgés
Royaume de Grèce.
Les chefs des insurgés à l’Amiral Canevaro et aux Amiraux commandants la flotte internationale.
Les insurgés se plaignent de ce que les Turcs franchissent les limites convenues.
Le 7 Mai les Turcs dépassaient ces limites et allaient jusqu’à Terolea et Daphnaes, mais ils étaient repoussés par les postes d’insurgés.
Quelque temps après, les Turcs s'emparaient d’Ilia.
Le 8 Mai, les Turcs sortaient en grande force avec deux canons et attaquaient les villages d’Episcopi, Hania, Stamus et Sgouro-Kasali, détruisant maisons et églises.
Comment n’en avez-vous rien su ?
N’avez-vous pas vu la fumée des incendies, ni entendu le bruit du canon ?
Qu'avez-vous fait à ce sujet ?
Vous qui vous dites les amis de la liberté, pourquoi n'avez-vous pas essayé d’empêcher ces faits, pourquoi n'avez-vous rien dit ni rien fait pour les arrêter ?
Pourquoi les Gouverneurs de la La Canée et de Rethymno ont-ils mis fin à ces attaques ?
Pourquoi ne pourrait-il pas être fait de même ici ?
Si vous êtes trop faibles pour agir, laissez nous la liberté de faire ce que nous pourrons. Jusqu'ici nous avons obéi à vos ordres et nous n’avons pas attaqué nos ennemis.
Si vous ne nous notifiez officiellement et par écrit que vous empêcherez les Turcs de franchir les limites convenues, nous les repousserons sous les murs de Candie.
Vous avez envoyé vos escadres, vos troupes et vos canons : Est-ce pour trouver des monceaux de cadavres ?
Ne pensez pas que le désastre de la Grèce aura quelque effet sur nous, ni qu’il nous poussera à suivre vos décisions, vous vous méprendriez gravement.
Nous avons des vivres et des munitions, nous avons le droit et Dieu pour nous et jusqu'à la fin nous seront fidèles à l’annexion à la Grèce.
N° 63
Séance du 20 Mai 1897
D'après un rapport du Commandant du « Hawke », les Grecs ont embarqué sur le « Thésée », dans la journée du 19, une batterie d’artillerie, 727 hommes, 82 caisses de munitions, 53 mules, 12 chevaux, et il ne resterait plus à terre qu’environ 600 hommes, qui pourront être pris par l'aviso « Paralos », attendu à Platanias.
Les Grecs ont émis la prétention d'emmener avec eux 65 prisonniers turcs (la plupart provenant de la prise du blockhouse de Malaxa). Les Amiraux ne peuvent l’admettre, tant parce que l'île est toujours bloquée et que les navires grecs ne franchissent le blocus en ce moment, que par faveur spéciale et dans un but déterminé, que pour une raison de réciprocité, car les quelques prisonniers faits par les Turcs ont toujours été remis en liberté par l'intermédiaire des Amiraux.
On réclamera donc ces prisonniers aux Grecs avant de laisser partir les navires sur lesquels ils les auraient embarqués.
Les Amiraux ayant demandé à leurs Gouvernements, dans la dépêche du 11 Mai, que les Grecs ne laissent, après eux, aucun matériel de guerre et n’ayant aucun moyen de vérifier que tout a été emporté, demanderont au Commandant des troupes grecques, une déclaration écrite attestant que tout le matériel appartenant aux troupes a été embarqué.
L'Amiral Harris chargera le Commandant du « Hawke » de réclamer cette déclaration.
À bord du « Revenge », à La Sude, 20 Mai 1897
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro

Le Revenge
N° 64
Séance du 21 Mai 1897
Dans l'après-midi du 20 Mai, l'Amiral français accompagné de deux officiers longeait, à 200 m dans le Sud, la route qui conduit de La Sude à La Canée.
Deux balles, tirées du bois d’oliviers, situé au Nord de Chicalaria, vinrent tomber à une minute d'intervalle, à toucher le groupe, qui se dirigea tranquillement vers le village de Touzla situé à moins de 400 m.
Pendant le trajet, trois nouvelles balles vinrent tomber auprès de l’Amiral, la dernière, lorsqu'il était déjà rendu au bord de la mer, à 200 m dans le Nord de la route.
On n’a d'ailleurs entendu que 5 détonations, et il est hors de doute que l'Amiral était bien l'objectif d'un insurgé caché dans le bois, toutes les balles étant tombées près de lui.
On ne peut supposer que l'agression vienne d'un Turc, car, pendant tout le temps, des Musulmans se trouvaient à peu de distance du groupe d'officiers ; au dernier coup, en particulier, l'Amiral était en train de raconter à des factionnaires turcs l'agression dont il était l’objet.
À la même heure, à Izzedin, l'Amiral anglais, qui était allé examiner la réparation d'une conduite d'eau servant à l'alimentation de la garnison internationale, a essuyé quelques coups de feu dont l'origine ne laisse non plus aucun doute.
Deux enfants musulmans ont été enlevés par les insurgés aux environs de La Canée et l'un d'eux a été renvoyé à sa mère avec une lettre demandant pour son frère une rançon de 40 livres, sous menace de ne le revoir jamais.
Les barbares qui l’ont écrite, et qui se disent Chrétiens, ne l’ont pas signée et donnent seulement le nom de leur village, ce qui démontre la complicité de tous.
Ces attaques, venant après celles des officiers anglais relatées dans le procès-verbal du 19 Mai, confirment, en partie, le bruit qui se répand, que les insurgés se sont donnés le mot d'ordre pour faire croire que le brigandage doit être le résultat du départ des réguliers grecs.
Les Amiraux vont étudier les moyens d'arrêter ces brigandages. Mais ils craignent d'en arriver bientôt à des mesures fort graves que l'état d'esprit des insurgés les amènera à prendre.
À bord du « Trinacria », à La Sude, le 21 Mai 1897
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 65
Séance du 22 Mai 1897
L'Amiral français a reçu une dépêche de son Gouvernement l'informant que :L'accord parait fait sur la question de lever le blocus après le départ des troupes grecques et de maintenir en Crète les troupes et navires des Puissances jusqu'à la constitution du régime autonome. Toutefois, il y aurait lieu de s’opposer au débarquement des munitions et des volontaires. Les Amiraux désirent attendre encore quelques jours avant de lever le blocus officiellement pour voir quelle sera l'attitude des insurgés, après le départ des réguliers grecs, et savoir ce que vont devenir les nombreux volontaires venus en Grèce, qui pourraient être dirigés sur la Crète. Le Commandant de ce qui reste des troupes grecques à Platanias a déclaré au Commandant du « Hawke », le 21 Mai, qu'après son départ, il ne resterait plus un seul homme, ni un seul canon grec, dans l'île, mais il n'a pas voulu faire par écrit cette déclaration qui doit, selon lui, être faite par son Gouvernement aux Amiraux. Le Commandant du « Hawke » dit qu'en dehors de quelques canons, qui sont entre les mains des insurgés, dans l'Est de l'île, il y en a 4 à Platanias et 2 à Akrotiri. Ces 6 canons appartiennent aux insurgés depuis longtemps, et le Commandant des troupes grecques a déclaré que si les Amiraux veulent promettre qu'on les lui laissera porter en Grèce, les insurgés les lui livreront. Cette assurance va lui être immédiatement transmise par les soins de l'Amiral Harris, aussi bien pour ceux de Platanias que pour ceux de l’Akrotiri. Pour garder les routes voisines de La Sude, les Amiraux vont demander à Tewfuk Pacha de mettre une compagnie turque à Chicolaria, comme il y en a une à Marokori et de les mettre toutes les deux sous les ordres du Colonel austro-hongrois ; le Colonel fera chaque jour avec ses propres troupes, des reconnaissances de La Sude à Mornies. Du côté Est de La Sude, le Colonel et le Major Bor enverront des détachements en promenade sur la route de La Sude à Izzedin. Ils se rencontreront à moitié route à des heures variables chaque jour et rebrousserons chemin. Le Major Bor pourra faire participer à ces marches les garnisons turques qui sont sous ses ordres à Izzedin. À bord du « Trinacria », à La Sude, le 22 Mai 1897 Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 66
Séance du 25 Mai 1897
Pendant l'absence de Monsieur le Capitaine de frégate Jacquet, les Amiraux choisissent comme secrétaire de leurs réunions, Monsieur le Lieutenant de Vaisseau Grandclément, aide de camp de l'Amiral français.
L’Amiral Canevaro expose que plusieurs familles grecques viennent de revenir en Crète et ont trouvé leurs maisons occupées par des Musulmans.
Les Amiraux avaient cependant pris la précaution de demander à leurs Ministres à Athènes de ne pas laisser revenir ces réfugiés sans les en avoir averti au préalable. Mais il est évident que tous ne pouvaient pas connaître cette décision, et il faut absolument donner un abri à ceux qui reviennent.
D'un autre côté, on ne peut déloger les Musulmans qui, eux, avaient leurs maisons dans l'intérieur, maisons qui sont actuellement au pouvoir des insurgés.
Les Amiraux demandent donc aux chefs insurgés d’Akrotiri, que l'Amiral Canevaro avait réunis sur le « Sicilia », de vouloir bien recevoir chez eux leurs coreligionnaires. C’est une œuvre d'humanité et de charité que de leur donner momentanément un asile dans l'Akrotiri. Les chefs répondent qu'ils veulent bien les recevoir, mais à condition qu'on protégera complètement leur presqu'île des attaques des Turcs.
Il est donc entendu que le commandant Amoretti donnera des instructions dans ce sens au Commandant anglais de l'Akrotiri qui devra désormais assurer la protection de ces réfugiés.
Les Amiraux font savoir au Commandant du « Hawke », par l’intermédiaire de l'Amiral Harris, que lorsqu'il aura acquis la certitude que le Commandant des troupes grecques aura fait tous ses efforts pour reprendre les deux canons donnés autrefois aux insurgés d’Akrotiri, il lui permettra de partir sans les emporter, mais après avoir déclaré par écrit son impossibilité de les reprendre.
D'après une information reçue par l'Amiral anglais, les insurgés auraient encore privé d'eau la ville de Candie.
Les Amiraux prient le Colonel Chermside de faire savoir aux insurgés que toute nouvelle tentative de leur part pour empêcher l'eau d'arriver à Candie, sera considérée comme une attaque à repousser.
À bord du « Sicilia », à La Sude, le 25 Mai 1897
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro
N° 67
Séance du 26 Mai 1897
L'archevêque grec de La Canée, venu à bord du « Sicilia » pendant la conférence des Amiraux, a été interrogé par eux au sujet de ses sentiments sur la question crétoise et sur les moyens qu’il croirait les plus efficaces pour arriver à la pacification de l’île, maintenant que personne n’ignore plus en Crète que la Grèce a renoncé à l'annexion. L'archevêque répond qu’il n'a pas questionné les insurgés, mais il donne ses idées personnelles :
On n’arrivera à rien, dit-il, tant qu'on n'aura pas retiré de l'île les troupes turques. Ce sera pour les Crétois une preuve palpable que l'Europe s'occupe de tenir ses promesses.
Puis il conseille de permettre aux insurgés de former une Assemblée nationale qui servirait d'intermédiaire entre eux et les Amiraux, et dont les membres seraient élus dans les différents districts.
D'un autre côté, les chefs insurgés d’Akrotiri, réunis hier, ont montré un esprit plus conciliant que par le passé, ils sont parus prêts à accepter les propositions qu'on leur ferait et ont annoncé leur intention de nommer une Commission nationale pour les représenter auprès des Amiraux.
Eux aussi disent que la pacification ne fera plus un pas en avant tant qu’on n’aura pas retiré les troupes turques, et tant que ce retrait n’aura pas été accompagné des principales bases de l’autonomie.
Les Amiraux approuvent la formation de cette Commission des Crétois qui ne pourra avoir caractère officiel, mais qui permettra de communiquer plus facilement avec les insurgés et d’en mieux connaître les idées et les besoins.
Les Amiraux permettent aussi le débarquement à Rethymno de 1.000 sacs de farine.
Quant à l'embarquement des dernières troupes grecques, différé par ordre des Amiraux jusqu'à la remise des deux canons prêtés aux insurgés d’Akrotiri, il se fera dès que le temps le permettra, les canons venant d’être rendus aux troupes.
Pour entrer en possession de ces canons, des officiers grecs sont allés, par torpilleur anglais, en Akrotiri, et il leur a suffi de les demander aux insurgés pour que ces derniers les missent immédiatement à leur disposition.
À bord du « Sicilia », à La Sude, le 26 Mai 1897
Le Contre-Amiral russe signé : P. Andreeff
Le Contre-Amiral anglais signé : R. Harris
Le Contre-Amiral français signé : Ed. Pottier
Le Contre-Amiral austro-hongrois signé : Hinke
Le Vice-Amiral italien signé : N. Canevaro